Le tribunal annule l’arrêté du préfet du Nord qui a mis en place l’encadrement des loyers prévu par la loi ALUR sur le territoire de la seule commune de Lille.
Les faits et la procédure :
La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », a modifié l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Ce texte permet de déterminer, dans chacune des zones qualifiées de tendues, c'est-à-dire où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers ou des prix d'acquisition des logements anciens, par secteurs et grâce aux données fournies par un observatoire local des loyers, un loyer de référence. A partir de ce loyer de référence, notamment, un « loyer de référence majoré » sera déterminé par arrêté préfectoral. Dans les secteurs ainsi délimités, le loyer au mètre carré des logements mis en location ne peut pas excéder le loyer de référence majoré, sauf application d’un complément de loyer justifié par certaines caractéristiques du logement.
Le Premier ministre ayant décidé en 2014 de limiter ce dispositif, à titre expérimental, à Paris et aux communes volontaires, le Conseil d’Etat a annulé cette décision, au motif que l'article 37-1 de la Constitution qui prévoit que la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental ne permet pas au pouvoir réglementaire de procéder à une mise en œuvre de la loi à titre expérimental lorsque la loi ne l'a pas elle-même prévu. (Conseil d’Etat, 15 mars 2017, Association « Bail à part, Tremplin pour le logement », n° 391654, B).
Entre-temps, le dispositif de plafonnement des loyers est entré en vigueur à Paris, en août 2015, puis à Lille, seule autre commune volontaire, le 1er février 2017. Pour Lille, le loyer de référence majoré a été fixé par un arrêté du préfet du Nord du 16 décembre 2016, à partir des données fournies par l’agence départementale pour l’information sur le logement du Nord (ADIL). Cette dernière a été agréée en tant qu’observatoire local des loyers pour la ville de Lille par arrêté du 25 mars 2015 du ministre en charge du logement.
La Chambre Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) du Nord, l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) et l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) Nord de France - chambre régionale de la propriété immobilière Nord Pas-de-Calais Somme ont demandé au tribunal d’annuler les arrêtés ministériel du 25 mars 2015 et préfectoral du 16 décembre 2016. Elles contestaient notamment le fait que le dispositif a été mis en œuvre sur la seule commune de Lille.
La décision du tribunal :
Le tribunal a rejeté la première requête (n°1504219), dirigée contre l’arrêté du 25 mars 2015 du ministre en charge du logement, portant agrément de l’ADIL en tant qu’observatoire des loyers pour la commune de Lille. En effet, selon le tribunal cet agrément, qui n’a pas, par lui-même, pour effet de rendre applicable le dispositif de plafonnement des loyers, n’affecte pas directement le marché immobilier ou les intérêts des propriétaires que l’UNPI Nord de France a pour mission de représenter, et encore mois ceux des professionnels représentée par la FNAIM du Nord et l’UNIS. Pour le tribunal, ces associations n’ont pas un intérêt suffisant pour demander l’annulation de l’agrément de l’ADIL.
S’agissant de la requête (n°1610304) dirigée contre l’arrêté du préfet du Nord du 16 décembre 2016, le tribunal considère que seul l’UNPI Nord de France a un intérêt lui donnant qualité pour agir, eu égard aux effets pécuniaires susceptibles de découler de la mise en œuvre du dispositif d’encadrement pour les propriétaires de logements à même d’être donné à bail sur le territoire de la commune de Lille.
Sur le fond, le tribunal juge que le dispositif de plafonnement des loyers ne pouvait pas être appliqué dans la seule commune de Lille. Ce dispositif, dont le Conseil d’Etat a rappelé dans sa décision du 15 mars 2017 qu’il ne pouvait pas se limiter aux seules communes qui se portent volontaires, doit être mis en œuvre dans l’ensemble de l’agglomération lilloise au sens du décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts. Ainsi, l’agglomération lilloise, qui comprend 59 communes, doit être regardée dans son ensemble comme constituant une « zone tendue » pour l’application du dispositif de plafonnement et, plus généralement, d’encadrement des loyers, alors même que la commune de Lille, à elle-seule, présenterait les caractéristiques d’une telle zone.
Le tribunal a en conséquence annulé l’arrêté du préfet du Nord en date du 16 décembre 2016, au motif qu’en limitant son périmètre au seul territoire de la commune de Lille il ne respecte pas les dispositions de l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 et celles du décret pris pour son application.