Par un jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés préfectoraux interdisant les distributions gratuites de boissons et denrées alimentaires en certains lieux du centre-ville de Calais.
Le tribunal était saisi par onze associations et deux organisations syndicales d’une demande d’annulation des arrêtés des 30 septembre, 16 novembre et 14 décembre 2020 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais avait interdit les distributions gratuites de boissons et denrées alimentaires en certains lieux du centre-ville de Calais incluant notamment les équipements scolaires, universitaires et sportifs de ce périmètre, y compris les voies d’accès et les parkings, pour des périodes comprises entre le 1er octobre et le 12 janvier 2021.
Le territoire de la commune de Calais, qui a compté jusqu’à 6 000 personnes migrantes lorsque le terrain couramment dénommé « la Lande » a été évacué, en accueillait entre 1 000 et 1 500 à l’époque des arrêtés contestés, dont 80 % à l’est de l’agglomération, dans les secteurs dits Virval et BMX où l’Etat a mis en place, suite à une injonction prononcée par une ordonnance du 26 juin 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Lille, des points d’eau ainsi que des toilettes, et procédé, par l’intermédiaire d’une association, à des distributions de boissons et de nourriture. Estimant que les besoins des migrants n’étaient pas couverts au plus près de ces derniers lieux, certaines associations y avaient mis en place des distributions quotidiennes de repas et de boissons.
Le préfet du Pas-de-Calais, qui entendait mettre fin aux troubles à l’ordre public et limiter les risques sanitaires liés à des rassemblements non déclarés, avait d’abord mis en demeure la maire de la commune de Calais de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la salubrité publique menacée par les abandons de déchets consécutifs à ces distributions de denrées. Puis, par un arrêté du 10 septembre 2020, pris dans le cadre de son pouvoir de substitution, il avait interdit toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires dans vingt-et-un rues, places, quais et ponts situés dans le centre-ville de Calais, pour la période comprise entre le 11 et le 30 septembre 2020. Par les arrêtés successifs des 30 septembre, 16 novembre et 14 décembre 2020, le préfet avait prolongé cette interdiction et étendu le périmètre d’application pour la période comprise entre le 1er et le 19 octobre 2020, et entre le 17 novembre 2020 et le 12 janvier 2021.
Le tribunal a d’abord considéré que si le préfet avait pris ces mesures en faisant état de troubles à l’ordre public consécutifs aux distributions de denrées effectuées par les associations dans le centre-ville de Calais, de risques sanitaires liés à des rassemblements non déclarés et enfin de risques liés à la salubrité publique, seule la réalité de l’atteinte à la salubrité publique était établie. Par ailleurs, les juges ont estimé que les arrêtés attaqués étaient inadaptés aux finalités qu’ils poursuivaient dans la mesure où les interdictions édictées ne remédiaient pas aux abandons de déchets consécutifs à l’activité de distribution de denrées. Le tribunal en a déduit que ces interdictions, qui affectaient les conditions de vie de populations particulièrement vulnérables, étaient disproportionnées par rapport aux finalités poursuivies.