Le tribunal administratif de Lille, saisi en référé par l’association Averroès, qui gère le lycée privé du même nom à Lille, ainsi que par les associations représentant les personnels de l’établissement et les parents d’élèves, juge qu’en l’état du dossier, il n’y a pas lieu de maintenir le contrat d’association liant le lycée Averroès à l’Etat jusqu’à ce que la décision de résiliation de ce contrat, prise par le préfet du Nord soit examinée par les juges du fond.
L’association Averroès gère à Lille un établissement d’enseignement secondaire. Depuis le 16 juin 2018, elle est liée à l’Etat, pour ce qui concerne le lycée de l’établissement, par un contrat d’association à l’enseignement public. Par une décision du 7 décembre 2023, le préfet du Nord, au nom de l’Etat, a résilié ce contrat à compter de la fin de l’année scolaire en cours. L’association Averroès, l’association des parents d’élèves d’Averroès ainsi que le comité social et économique d’Averroès et le syndicat des personnels de l’enseignement et de la formation privés de Lille, qui représentent tous deux les enseignants et personnels du lycée, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de suspendre l’exécution de cette décision de résiliation.
Les trois juges statuant en référé sur ces demandes ont, d’abord, constaté que le contrat d’association à l’enseignement public conclu avec l’association Averroès est un contrat administratif. Ils en ont conclu, conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, que la suspension des effets de la résiliation de ce contrat ne pouvait être prononcée que si les vices affectant la résiliation étaient d’une gravité suffisante, en l’état du dossier, pour justifier le maintien de l’application du contrat. Par ailleurs, et dans un tel cas, la poursuite provisoire de l’exécution du contrat ne peut être prononcée par le juge que si, compte tenu des vices affectant la décision de résiliation et, le cas échéant, de la méconnaissance de ses propres obligations par la personne ayant conclu le contrat avec l’administration, elle ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
En l’espèce, le tribunal a estimé, compte tenu des éléments dont il dispose, que l’association Averroès a manqué à deux titres à ses obligations.
D’une part, il a jugé qu’alors que les établissements d’enseignement privé sous contrat sont tenus d’accepter les contrôles des services de l’Education nationale concernant, notamment, la composition du fonds de leurs centres de documentation et d’information (CDI) et la conformité de celui-ci avec les programmes ainsi qu’avec les objectifs de l’Education nationale en termes de respect des valeurs de la République, le lycée s’était soustrait à ce contrôle à deux reprises, en particulier en s’opposant sans motif suffisant à un contrôle inopiné du CDI prévu le 27 juin 2022.
D’autre part, il a estimé qu’il était suffisamment établi que les cours d’éthique musulmane dispensés au lycée reposaient essentiellement sur une version des commentaires des « Quarante hadiths de l’imam An-Nawawi » qui comporte des appréciations contraires aux valeurs de la République, notamment sur l’égalité entre les hommes et les femmes, l’application de la peine de mort en cas d’apostasie et la supériorité des lois divines sur toute autre considération. Le refus du lycée de faire procéder à un contrôle de son fonds documentaire ne permet pas de démontrer que ces commentaires ne seraient pas, comme l’affirme le lycée, le support pédagogique utilisé par les élèves pour le cours d’éthique musulmane.
Dans ces conditions, le tribunal considère qu’en l’état du dossier, le maintien de l’application du contrat d’association jusqu’à l’examen du recours au fond de l’association Averroès porterait une atteinte excessive à l’intérêt général. Par suite, et quels que soient les vices qui, selon les associations requérantes, affecteraient la décision de résiliation, leurs demandes en référé sont rejetées.