Les contrôles d’identité et les fouilles à proximité du bidonville de Puythouck (Grande-Synthe) ainsi que l’évacuation de ce campement étaient illégaux.

Décision de justice
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Le tribunal administratif de Lille annule l’arrêté du préfet du Nord qui a autorisé la police à procéder, le 19 septembre 2017, à des contrôles d’identité, aux fouilles des bagages sur l’ensemble des axes menant à la zone du Puythouck. Il annule également la décision de recourir à la force publique pour procéder, le même jour, à l’évacuation du camp du Puythouck.

Les faits et la procédure :

A la suite de l’incendie qui avait ravagé en avril 2017 le camp de Grande-Synthe, des centaines de migrants s’étaient installés dans le bois de Puythouck.
Afin de préparer leur évacuation, le préfet du Nord a pris, le 13 septembre 2017 un arrêté autorisant les officiers de police judiciaire à procéder, le 19 septembre 2017, à des contrôles d’identité, à l’inspection visuelle et la fouille des bagages ainsi qu’à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public sur l’ensemble des axes menant à la zone du Puythouck.
Trois occupants et plusieurs associations ont saisi le tribunal administratif d’un recours sollicitant l’annulation de cet arrêté.
Les mêmes personnes ont ultérieurement demandé au tribunal d’annuler la décision du préfet du Nord de recourir à la force publique pour procéder le 19 septembre 2017 à l’évacuation du bidonville du Puythouck.

La décision du tribunal administratif :

Le tribunal administratif estime que si l’arrêté du 13 septembre 2017 est fondé sur la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, par son caractère général et impersonnel, il porte une atteinte excessive aux droits et libertés garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S’agissant de l’évacuation du bidonville, le juge considère d’abord que, contrairement à ce que soutenait le préfet, il y a bien eu, le 19 Septembre 2017, une décision de recourir à la force publique, décision révélée par l’opération d’évacuation elle-même, par un communiqué de presse du préfet du Nord du même jour et par la présence significative des forces de l’ordre lors de cette opération.

Ensuite, le tribunal administratif relève que le préfet n’a pas fondé son recours à la force publique, soit sur une décision d’une autorité judiciaire ou du juge des référés d’un tribunal administratif ordonnant l’expulsion sans droit ni titre des occupants du domaine public, soit sur la base d’une décision administrative du maire de la commune de Grande-Synthe, ou, à défaut, du préfet du Nord lui-même.

Si le préfet soutenait avoir agi, conformément au code de l’action sociale et des familles, en vue de mettre à l’abri, dans l’urgence, des populations se trouvant dans ce campement et vivant dans des conditions indignes, le tribunal constate que les mesures d’orientations vers des centres d’accueil ont été accomplies sans le consentement des personnes concernées, que ces dernières n’ont pas été autorisées à rassembler leurs biens avant d’être dirigés vers les autocars à destination des centres d’accueils et que les tentes et autres équipements leur appartenant ont été détruits par les forces de l’ordre.
Par conséquent, pour le tribunal, à défaut de décision préalable l’y ayant expressément autorisé, ni de justification de sa mesure par  une opération de mise à l’abri, le préfet a entaché d’erreur de droit sa décision de recourir à la force publique lors de l’opération du 19 septembre 2017.

Le tribunal administratif annule donc tant l’arrêté du 13 septembre 2017 que la décision du 19 septembre 2017.

>lire le jugement n°s 1709774 et 1802830