Par des jugements rendus le 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté les 87 requêtes de propriétaires d’habitations sur le territoire de la commune d’Evin-Malmaison demandant la condamnation de l’Etat à décaper leurs terrains et à les indemniser des préjudices causés par cette pollution.
Le tribunal a d’abord rejeté la demande de décapage des terrains.
Certes, lorsqu’une pollution d’un sol présente un risque grave pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques ou pour l’environnement, l’Etat peut, en cas d’impossibilité de mise en demeure de l’ancien exploitant, être tenu de prendre en charge les opérations de dépollution du sol.
Toutefois, cette obligation ne concerne que le site lui-même, soit en l’espèce celui de l’usine de Noyelles-Godault, et non des terrains situés seulement à proximité de celui-ci, comme ceux des requérants sur le territoire de la commune d’Evin-Malmaison. Le tribunal a relevé par ailleurs que certains de ces terrains avaient d’ores et déjà fait l’objet d’un décapage aux frais de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Le tribunal n’a pas non plus fait droit aux demandes d’indemnisation des requérants.
Si l’Etat peut être condamné à la réparation des préjudices causés par la carence de ses services dans la surveillance et le contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement, législation dont relevait l’usine de Métaleurop, seuls peuvent être indemnisés les préjudices certains et en lien direct avec les fautes commises par l’administration.
Or, le tribunal, qui a examiné la situation propre de chaque requérant, a estimé que dans aucun des dossiers, les deux seuls préjudices invoqués, la perte de valeur vénale des biens du fait de la pollution des terrains et le préjudice d’anxiété en raison du risque de développer une pathologie grave en rapport avec l’exposition aux métaux lourds contenus dans les sols, n’étaient établis.
Il a relevé notamment que les propriétaires ayant acheté leur terrain postérieurement à l’arrêté du 20 janvier 1999, modifié ensuite en 2015, du préfet du Pas-de-Calais, qui a instauré une vaste zone de protection autour de l’usine de Métaleurop du fait de la pollution engendrée par le site, ne pouvaient ignorer l’existence de cette pollution, et ainsi utilement invoquer après coup une dévalorisation de leur bien. Les attestations établies par deux agents immobiliers et un notaire n’ont par ailleurs pas été jugées suffisamment probantes. Enfin, l’abattement de taxe foncière dont bénéficient les habitations situées dans la zone de protection ne peut suffire à lui seul à établir leur perte de valeur vénale et, en tout état de cause, l’avantage ainsi octroyé ne pourrait qu’être pris en compte.
Pour écarter une indemnisation du préjudice d’anxiété, le tribunal s’est fondé sur les résultats du dépistage mené par l'agence régionale de santé en 2017, qui n'ont pas mis en évidence une surreprésentation du cadmium du fait de la présence dans l'environnement de terre polluée, par rapport aux autres voies d'exposition que sont le tabagisme ou l'exposition professionnelle. Il a constaté également que les requérants n’ont produit aucune pièce permettant de justifier de la présence de métaux lourds dans leur organisme et n’ont fait état d’aucun suivi médical particulier.